Bonjour à tous et à toutes,
"Comment intervenir avec bienveillance,
lorsqu'on est témoin d'une situation
où le parent se trompe avec son enfant ?"
Voila une question bien délicate, qui m'a été posée il y a quelques mois.
J'ai pris le temps de rédiger cet article afin d'y réfléchir et de vous proposer des pistes pour intervenir en toute bienveillance.
Avant toute chose, il me semble important de rappeler que le parent n'est pas forcément un "mauvais diable", il nous arrive à tous d'être débordé et ne plus gérer la situation. Ce parent peut également être dans la méconnaissance, il ne sait pas forcément comment réagir et fait avec les moyens dont il dispose.
Je pense vraiment, comme le dit Catherine Gueguen, qu'il ne faut pas blâmer ces parents, déjà parce qu'on est tous humains et que parfois la bienveillance n'est plus avec nous malgré tous nos efforts, et parce que beaucoup de parents manquent de moyens pour réagir au comportement de leur enfant, souvent par méconnaissance.
Est-il possible d'intervenir lorsqu'on est témoin d'une situation où le parent se trompe avec son enfant ? Si oui, comment s'y prendre ?
Si on interrompt brusquement la situation, en tentant une démonstration, j'entends par là un étalage de connaissances sur le développement du cerveau de l'enfant... etc. Même si toutes ces infos sont vraies et démontrées, en utilisant cette méthode, on impose de l'information, sans prendre en considération la personne, ses émotions...
Vous me voyez venir? ... et oui l'empathie, c'est avec empathie qu'on va pouvoir aider (ou du moins tenter d'aider) la personne. Car avec une approche empathique, la personne se sent comprise et si elle se sent comprise elle sera plus à même d'entendre et d'accueillir notre intervention. Se mettre à la place de la personne aide à comprendre ce qu'elle traverse.
Prenons une exemple :
Imaginons que nous sommes chez une amie, son fils a un comportement inapproprié. La réaction de la maman est assez vive : après avoir crié sur son enfant, elle ajoute une injonction "Pour qui tu te prends!".
Elle est clairement en colère, ne tolère pas le comportement de son enfant, et elle est certainement aussi (malgré elle) gênée par la situation qui se déroule devant nous, donc "en public". On le sait, être parent est difficile, et devant les autres (des personnes qu'on connait ou pas), on a tendance à être sous pression, on a l'impression que tout les regards sont posés sur nous et nous jugent... alors il faut vite trouver une solution pour résoudre le "problème" (le comportement vu comme inapproprié). Alors même si on veut bien faire, on oublie l'empathie, on oublie de chercher à comprendre ce que traverse l'enfant, on maîtrise moins nos propres émotions...
Je pense que dans cet exemple, s'il s'agit d'une amie, on peut doucement aborder le sujet, toujours avec empathie. Une fois l'action terminée, on peut lui dire (suivant les conseils d'Isabelle Filliozat) : "C’est dur quand notre enfant prend de l’autonomie et commence à s’affirmer, on peut avoir l'impression qu'il nous teste, qu'il teste les limites." et enchaîner avec des suggestions : "Son comportement reflète peut être un mal être ou une incompréhension de sa part, il semble ne pas savoir comment utiliser des mots pour exprimer cela, qu'en penses tu?"
Et si on est témoin, mais que nous ne connaissons pas la personne?
Par exemple, on voit une maman au parc, qui sermonne son petit et commence à lever la main. On peut opter pour une stratégie qui peut sembler surprenante et pourtant... on va tenter d'interrompre l'action, en posant une question simple comme demander l'heure par exemple à la maman... Par cette simple action, on interrompt le mouvement, on permet à la personne de se déconnecter de sa colère vis à vis de son enfant. Et même si elle ne nous répond pas ou sèchement, elle a fait un brève pause, qui a permis à la colère de redescendre même un tout petit peu.
Si cela est possible, on peut doucement engager la conversation, toujours dans une approche empathique, en employant les mêmes formules que dans mon précédent exemple: "C'est pas facile d'être parent...".
Je vous propose maintenant 2 situations vécues par des mamans en tant que témoins, elles m'ont demandé comment réagir dans de telles situations, sans que la personne ne se sente jugée ou agressée :
"Je suis allée au restaurant avec mon petit (2 ans et demi). A la table d'à côté 2 couples d'amis, dont l'un avec un nouveau-né.
Le bébé a énormément pleuré. Mais ni le papa ni la maman ne semblait s'en inquiéter et ils l'ont laissé dans la poussette.
Donc j'ai patienté et observé les éventuelles réactions des parents, puis lassée j'ai ouvert ma bouche mais pas de façon hyper bienveillante pour les parents.
Alors je me dis que dans des cas comme ça, qu'est ce que je pourrais dire aux parents ? Comment ?
Je pense qu'avoir quelques phrases préparées à l'avance ca m'aiderait, car en pleine période de vacances et habitant dans une station balnéaire, je vois en ce moment des choses assez choquantes."
A priori, les parents semblent désintéressés par les pleurs de leur bébé. Mais peut être ne savent-ils pas comment gérer ces pleurs. Ce bébé est peut être malade, ou en inconfort, ou un besoin de câlin n'est pas comblé, il a peut être chaud... Et peut être que ces parents sont dans la méconnaissance, et imaginent simplement (car c'est peut être l'explication qu'on leur a donné), que leur bébé cherche à attirer leur attention, cherche à les manipuler... Alors comment intervenir?
=> Je pense qu'on peut, dans cet exemple, abordé en douceur les parents : "Bonjour, et ben il pleure beaucoup votre petit, ça ne semble pas aller pour lui ?" Imaginons une réponse :"Oh ben on l'habitude, il veut être dans nos bras, mais on va pas se laisser manipuler quand même, comment il va affronter ce monde s'il réclame à être dans les bras tout le temps pfff".
Réponse empathique possible : "C'est vrai qu'on peut croire que l'enfant tente de nous manipuler par ses pleurs, et puis dès qu'on le prend dans les bras il cesse de pleurer. C'est vrai, comment va t-il affronter ce monde si on ne lui crée pas des forces." (La personne va certainement approuver vos propos, elle sent comprise. On peut alors tenter de lui faire prendre conscience doucement, car elle est plus apte à nous écouter maintenant qu'elle se sent comprise.)
" Ca me questionne sur comment lui donner cette force, comment lui donner assez confiance en lui, vous en pensez quoi?" "Beh en le laissant pleurer, au bout d'un moment il arrête." "C'est vrai qu'on peut penser qu'il nous manipule avec ses pleurs. Moi je me demande s'il sait vraiment faire, s'il en est vraiment capable, il est si petit ce petit bébé, il connait si peu de choses de ce monde, peut être qu'il recherche du réconfort, et que ses pleurs sont plus un appel à l'aide? S'il arrête de pleurer quand vous le prenez dans vos bras, c'est peut être car il se sent en sécurité avec vous, dans vos bras, qu'en pensez vous?"
L'idée est d'amener la personne à prendre conscience, à se questionner. Je pense que lui rappeler à quel point ce petit être est fragile et ignore tant de choses de ce monde peut aider à la prise de conscience. Il peut également être intéréssant de se prendre en exemple (qu'on accentue ou non la vérité) : "Oula, je sais ce que c'est, mon petit pleurait beaucoup aussi, et je ne comprenais pas, j'étais tellement embêtée de le voir pleurer autant, et finalement, j'ai appris qu'il se sentait plus en sécurité dans mes bras, que son couffin le mettait en insécurité, mais pour comprendre il m'a fallu du temps et tant de questions. C'est difficile d'être parent !"
Encore une fois, une explication sur le développement du cerveau de l'enfant dans cet exemple me semble inutile, voir même contreproductif, car on peut passer pour "celui qui croit tout savoir" et lasser la personne, qui ne nous écoutera plus.
Voici la seconde situation, vécue par une amie : Lors d'une sortie avec ses enfants, elle croise sa voisine et sa petite, et en discutant de leurs enfants, la voisine dit d'un ton un peu sarcastique et devant la petite : "ah non mais ma fille, c'est une fille quoi, elle manipule, elle ment, t'imagines à 3 ans, elle te regarde droit dans les yeux en racontant un mensonge."
Mon amie n'a pas su comment réagir, elle sait que la petite est incapable de manipuler ou de mentir, elle sait que son cerveau est bien trop immature. Et cette étiquette imposée à l'enfant "c'est une fille quoi"... elle est est restée muette ne sachant comment aider cette maman et sa petite.
Dans cet exemple, on garde notre approche empathique. Rappelons nous que si la personne se sent comprise, elle sera plus à même de nous écouter et donc de prendre conscience.
"C'est vrai qu'on peut avoir l'impression qu'elle nous manipule, surtout quand elle raconte quelque chose de faux en regardant droit dans les yeux." (empathie, et emploi du "on" qui généralise). La aussi, je pense que pour aider la personne à prendre conscience, il est intéressant que l'inviter à la réflexion :"Ca me questionne sur sa capacité à mentir, elle me semble si petite pour ça, pour manipuler la vérité. Tu ne penses pas qu'elle confond ce qui est réel et ce qui est dans son imaginaire, qu'en penses tu?" "ben peut être, mais bon je connais ma fille, c'est clairement de la manipulation, surtout quand elle me regarde droit dans les yeux!" "Ah oui, je comprends, quand elle regarde droit dans les yeux ça peut sembler être une forme de provocation ou de manipulation. Là aussi, ça m'interroge, est ce que ça ne serait pas une façon de te demander de l'aide pour comprendre justement ce qui est réel et ce qui est de son imaginaire, qu'en penses tu ? ".
En fonction des réactions, de l'accueil qui est fait de nos invitations à la réflexion on peut approfondir l'échange. Je pense qu'il est très important que la personne ne se sente pas remise en cause dans sa parentalité, dans son rôle de parent. En ce sens, l'empathie va vraiment nous aider.
L'échange se terminera peut être la dessus, et peut être qu'une graine sera plantée, et permettra à cet adulte de continuer cette réflexion, et de prendre conscience petit à petit.
A bientôt!
Elise
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